Le jeune historien Daniel Toti de Milan (et originaire de Bergame), qui a participé au dernier colloque du CIRCAED à Carcassonne et Mazamet, nous informe de la parution de sa communication à un ouvrage, n° 8 de la revue « Riforma e movimenti religiosi » p.215-289, Turin 2020 : Daniel Toti, « François Graverol e un manoscritto perduto dell’Inquisizione di Tolosa ».

Par ce travail, Daniel Toti répond aux historiens hypercritiques qui sous-estiment les conceptions doctrinales élaborées par les bons-hommes.

Résumé de l’article :

« François Graverol († 1694), avocat Nîmois et célèbre érudit protestant du XVII siècle, était possesseur d’un manuscrit contenant les procédures menées par l’inquisition Toulousaine depuis 1281 (1282) jusqu’à 1319. Ce registre, acquis après la mort de Graverol par Nicolas Lamoignon de Bâville, intendant du Languedoc, est aujourd’hui malheureusement perdu.

C’est donc une bonne nouvelle de savoir que les auspices prononcés il y a plus d’un siècle par Léopold Delisle sont devenus réalité («on peut espérer que des morceaux pourront être retrouvé, comme le registre […] des années 1281-1319, qu’un protestant de Nîmes avait refusé de céder à l’intendant Daguesseau pour Colbert»).

Une série d’extraits du manuscrit Graverol, conservée à la Bibliothèque de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français, a été découverte et signalée à l’auteur de cette contribution par Michel Jas.

Il s’agit de trente-sept fragments, attachés à une lettre écrite par François Graverol le 18 janvier 1694, qui permettent de saisir le contenu du registre et de reconstruire sa fortune à partir de l’intérêt des érudits modernes pour les dissidents du Moyen Âge.

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À l’époque de la révocation de l’Édit de Nantes, le manuscrit Graverol est l’un des plus importants documents inquisitoriaux cités au cours des controverses entre catholiques et protestants.

Parmi les majeures figures de la propagande catholique et reformée qui cherchent d’obtenir des informations sur le registre, on peut mentionner Jacob Spon, Pierre Jurieu, Pierre Bayle, Jacques Basnage, Jean Benoist, Peter Allix et Jacques-Bénigne Bossuet.

Une déposition en particulier, celle du 8 juillet 1283 fournie par Guillaume de Maunhac à l’inquisiteur Jean Vigouroux, en raison de l’absence d’idées dualistes, avait circulé dans le Refuge huguenot pour justifier l’antiquité des doctrines protestantes. En affirmant qu’elle constituait le modèle pour comprendre l’intégralité du registre, les polémistes réformés utilisaient cette « contre-position » dans le but d’inclure les Albigeois, dépurés de toutes tendances « manichéennes », parmi les témoins de la vraie église.

Et pourtant, les autres extraits du manuscrits Graverol, récemment retrouvés à Paris et dont on propose l’édition, montrent bien le contraire.

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Sollicité par une requête concrète et précise d’un individu inconnu, qu’on peut cependant reconnaître dans la figure de Jacques-Bénigne Bossuet ou de quelqu’un proche de lui, François Graverol copia les morceaux du registre utiles à montrer que les Albigeois avaient « les sentiments des Manichéens ».

En lisant les dépositions, en fait, il est facile de retrouver les conceptions dualistes et docétistes qui forment le bagage doctrinal des bons-hommes occitans et parfois – pas toujours – des croyants des hérétiques.

Si l’on rentre un peu plus dans le détail des interrogatoires, il faut noter que, parmi les déposants, on retrouve des personnes provenant de diverses parties du Languedoc (Quercy et Rouergue, diocèse d’Albi et diocèse de Toulouse) et, surtout, des accusés qui avaient été déjà objet d’enquête par les juges de la foi.

Ce qui montre que le registre autrefois appartenu à François Graverol représentait un lien entre les procédures de Ranulphe de Plassac et Pons de Parnac et celles de Bernard Gui, sans oublier les procès de l’évêque Bernard de Castanet.

Finalement, le fait que le contenu de la copie soit dédié aux croyances « manichéens » des bons-hommes a permis de retourner sur l’importance des conceptions dualistes des hérétiques, qu’ont été au centre du débat de ces dernières années. »

Cf. Daniel Toti, « François Graverol e un manoscritto perduto dell’inquisizione di Tolosa » Riforma e movimenti religiosi, 8, 2020, pp. 215-289

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Daniel Toti a obtenu son doctorat en Histoire à l’Università degli Studi de Milan avec une thèse intitulé « Cathari di Lombardia. Documentazione, trasmissione erudita, dibattito storiografico » (tutor: Marina Benedetti, 2020).

Il a étudié les cathares lombards en partant d’une réévaluation philologique et historique des sources principales relatives aux origines et aux développements doctrinaux de ceux qui, pendant le XIII siècle en Lombardie, se définissaient comme boni christiani.

Il s’intéresse aussi à la circulation textuelle et manuscrite des traités antihérétiques et des procédures inquisitoriales, avec un regard particulier sur le rôle joué par les érudits modernes depuis le XVI jusqu’au XVII siècle.

À ce sujet, il a écrit « Sulle prime historiae di catari e valdesi. Dall’unità alla diversità attraverso la repressione» (2018).

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